Chapitre 6
L'épreuve de bravoure
La Sagace a revêtu ses meilleurs grigris rituels. Elle a disposé autour du lit du prince Jérémy un cercle de plantes broyées au pouvoir régénérant. Au bout de chaque facette de l’hexagone formant la terrasse de la tour du prince, un fétiche se tient prêt à signaler toute intrusion dans l’enceinte de la citadelle. L’état du prince c’est considérablement aggravé, l’esprit maléfique du roi se manifeste de plus en plus à travers lui et la Chamane décide d’employer les grands moyens en tentant un exorcisme. La tâche est ardue et le démon est redoutable, elle le sait, ses chances sont infimes. Mais elle compte sur l’esprit de Galane pour lui venir en aide.
Au cœur des Bois Pentus, Stéphane est en quête d’un remède pour sauver son bien aimé et il se rend au pied de Ventre-feuillu, en quête de la Chrysalide. Il arrive à la clairière où jadis, il rencontra le prince. Le cratère où repose la Chrysalide est toujours là, il s’avance prudemment et scrute le fond du gouffre. Le cocon est toujours là, mais il a été soigneusement emmitouflé dans des feuillages de l’arbre millénaire, à y regarder de plus près, l’aspect de la Chrysalide a changé, sa coque est devenue opaque et ses couleurs se sont ternies. Le prince s’avance d’un peu plus près mais des grognements se font entendre autour de lui, des Fureloups. Le prince porte la main au fourreau de son épée et fait face à la horde alertée par l’odeur du prince. La horde encercle le prince Stéphane, impossible pour lui de tenter quoi que ce soit. Les créatures au pelage luminescent restent immobiles. Stéphane, trop occupé à surveiller ses ennemis, ne perçoit pas les bruissements qui émanent au-dessus de lui. Stimulées par une croissance soudaine, des dizaines de lianes descendent des branches de Ventre-feuillu et portent avec elle une créature enchevêtrée dans une robe de ronces. La Mère Licannde atterrit au pied du prince. La horde de loup s’avance vers elle pour quémander des caresses. La gardienne de la faune et de la flore a présente un physique repoussant de vieille sorcière. Son corps est recouvert d’épines coupantes comme des lames et une couronne de chardon cercle une forêt désordonnée de cheveux gris et crasseux. Elle dévisage le prince.
- Me crains-tu vagabond ?
- Je le devrais je suppose. Mais je n’ai pas de raison de vous craindre, je ne cherche qu’à parler à la Chrysalide.
- Décris-moi.
- Euh… et bien, vous êtes une femme très belle, si j’en crois vos courbes parfaites. Vous portez une couronne de fleurs et de lauriers, vos cheveux sont bruns et courts, et une robe de lierre vous habille.
En la décrivant sous son véritable aspect, le prince a prouvé sa bonté d’âme et La Mère Licannde sait qu’elle n’a rien à craindre de lui.
- Je protège la Chrysalide, elle est vulnérable depuis quelques temps. Que lui veux-tu ?
- Je veux lui parler de la malédiction qui ronge mon bien aimé. Le roi maudit semble avoir pris possession de son corps, une chamane est à son chevet en ce moment pour tenter de le délivrer. Mais la magie du roi est puissante, et seul un gardien peut détenir les secrets pour le terrasser.
La Chrysalide se réveille, les feuilles bruissent et une lueur jaune pâle émane du monticule.
- Mmmmmmh… Galane … près du prince… aider la Sagace à chasser esprit du roi… Le roi… vouloir prendre le contrôle sur le prince…
- Mais pourquoi ?
- Mmmmmmh… Chrysalide ne pas savoir… Mais… Roi ne pas être à sa place …
- Mais comment faire pour l’en déloger ?
- Mmmmmmh… obliger à quitter son hôte… mais… roi maudit… très puissant… trop puissant…et Chrysalide être fatigué…
La Mère Licannde prend la parole.
- Le roi maudit est notre souverain. Ou du moins, il l’était il y a fort longtemps. Nous n’avons que très peu d’influence sur lui. Mais, un être en a peut être suffisamment.
Elle prend un air grave tout en caressant la tête d’un des Fureloups.
- Une créature engendrée par le Créateur, qui veille à l’équilibre de notre monde. Cette créature n’a pas de maître, le roi ne la contrôle pas.
La Chrysalide se rappelle, elle murmure.
- L’Oméga…
La Mère Licannde acquiesce.
- Si le roi est l’Alpha de ce monde, l’Oméga est son alter ego. Encore faut-il mettre la main dessus, personne ne l’a jamais vu ou, n’a jamais conté sa rencontre avec lui.
La Chrysalide brille d’une lueur bleue et murmure.
- Mmmmmh… le petit mage…. Lui savoir où Oméga se cacher…
- Quel petit mage ?
- Celui qui espionner… depuis tout à l’heure.
Zéphyrian sort de sa cachette.
- Beuh ! Je n’espionne pas ! J’écoute !
Le mage a beaucoup voyagé, il a entendu beaucoup d’histoire et l’une d’elle parle d’une créature ancienne qui n’apparaît qu’aux cœurs les plus braves de ce monde. La légende dit :
Si Alpha est l’endroit, Oméga est l’envers,
Pour changer de côté, fait volte-face
Et plonge ta lame à travers le miroir de verre.
Les Fureloups s’agitent, le plus grand s’avance vers la Mère Licannde. Elle lui parle à travers des caresses, le pelage scintille. Elle s’adresse au Prince.
- Suis la horde, les Fureloups te conduiront à la porte de l’Oméga.
Stéphane grimpe sur le Fureloup. Zéphyrian se précipite vers lui.
- Bah et moi ? ! Je fais quoi ?
- Toi, tu viens avec moi. Ça t’apprendra à vagabonder tout seul dans les bois !
- Ouaiiiis ! !
La horde de Fureloups s’enfonce dans les bois. La Chrysalide murmure à nouveau.
- Mmmmmmmh… Licannde…le moment …venir pour moi…
Les villageois des montagnes regardent le ciel s’assombrir au-dessus du château, le tonnerre gronde.
La Sagace poursuit son exorcisme. Elle transpire, les fétiches lui épongent le front et lui font de l’air avec des éventails. D’autres imitent la chamane pour renforcer le rituel. Le tonnerre gronde au-dessus d’eux, un éclair jaillit et se brise sur le flanc d’une tour. Le prince Jérémy sort de sa torpeur. Ses yeux prennent la lueur bleue signature du roi maudit. Il s’adresse à la Sagace avec la voix du roi maudit.
- Ahahahahahah ! Misérable sorcière des marais ! Toi et ta bande de marionnettes ne pouvez rien faire pour son âme ! Elle est à moi ! Et bientôt le prince ne sera plus qu’un pantin qui me servira d’hôte ! Je vais vous faire rôtir comme de vulgaires brindilles…
La Sagace entre en transe. Ses yeux se révulsent et prennent une teinte rose pâle : Galane se manifeste enfin. Les deux esprits font bloc face au roi maudit et récitent une incantation d’une seule voix :
Âme vautour tournant autour du prince de la tour depuis des jours, cesse tes farces, quitte cette place, prend la tangente ou perd la face !
Le tonnerre résonne une dernière fois et une pluie d’éclair inonde la cité. Le prince reprend ses esprits.
- La Sagace… il… il est toujours là… il se cache…
- Mmmmmh… il commence vraiment à me faire c…
Stéphane et Zéphyrian arrivent aux abords du lac noir ceinturant l’ancien bastion du roi maudit. Les Fureloups chantent à l’unisson pour honorer leurs congénères victimes du roi et engloutis par les eaux. Stéphane s’avance au bord de l’eau. Le lac est calme, aucune ondée ne vient déformer le reflet imperturbable de l’eau. Zéphyrian s’avance de quelques pas sur la berge et récite le verset.
Si Alpha est l’endroit, Oméga est l’envers,
Pour changer de côté, fait volte-face
Et plonge ta lame à travers le miroir de verre.
Stéphane s’avance an milieu du lac, il dégaine son épée et la plante à deux mains dans l’eau noire. Il retire ses mains de l’épée, elle reste à l’aplomb, sans bouger. Rien ne se passe, aucun son, aucun mouvement. Zéphyrian brise le silence.
- Et voilà pourquoi il ne faut jamais écouter les légendes idiotes !
- Patience…
L’épée commence à émettre un léger cliquetis. Elle pivote comme une clé dans une serrure. Après un tour complet, la clé s’arrête et un son provenant des entrailles du lac retentit. L’épée s’enfonce progressivement dans les eaux. Zéphyrian sent qu’à son tour il s’enfonce dans le lac.
- Eeeeeeh ! Mais nous aussi on coule ! Je ne sais pas nager ! !
Le prince et le mage n’ont pas le temps de réagir, ils s’enfoncent inexorablement dans les eaux mouvantes du lac, jusqu’à disparaître totalement sous les eaux.
Stéphane aperçoit la surface. Il attrape Zéphyrian par le bras et tous deux s’extirpent des eaux noires. Ils reprennent leur souffle et découvre l’antre de l’Oméga. Le décor est en tout point identique aux Bois Pentus, mais l’atmosphère est radicalement différente : il n’y a pas de ciel, pas de lune, ni de soleil ; juste une toile noire sans repères recouvrant une forêt verte luisante peuplée d’arbres fantomatiques. L’eau du lac est irisée de reflets émeraudes et des ondées incohérentes dansent à sa surface. Au centre du lac se dresse une forteresse d’un blanc immaculé, elle est la copie conforme de celle du roi maudit, mais elle n’a pas subi les ravages du temps ; chaque pierre, chaque statue semble avoir été fraîchement taillée. La tour au milieu du bastion trône fièrement sur les bois, elle irradie une lueur spectrale verte pâle.
Stéphane et Zéphyrian posent le pied sur la berge. Le mage apprenti souffle un léger vent chaud pour sécher leurs vêtements détrempés. Ils découvrent une passerelle de pierre reliant le bastion à la berge. Stéphane avance en premier, d’un pas précautionneux. Arrivés au milieu de la passerelle, une légère secousse les fait vaciller et manque de les projeter dans le lac. A peine ont-ils le temps de reprendre leur équilibre qu’une nouvelle secousse se fait sentir, puis une troisième, et une quatrième. Zéphyrian commence à paniquer.
- Euuuuh ? On fait quoi là messire ? Ça se rapproche on dirait !
Stéphane reste stoïque et fixe du regard le grand portail de la forteresse.
- On reste calme et on attend. Il sait qu’on est là.
- Euuuuh… oui c’est bien ce que je craignais…
- Chut ! Devant ! Regarde !
Une ombre gigantesque se dessine sur la pierre blanche de la forteresse. La silhouette se fige en face du prince Stéphane. Le prince dévisage l’ombre, essaie de comprendre ses contours. Il perçoit la forme d’un homme mélangé à celle d’un animal, ou plusieurs. Stéphane a du mal cacher son intimidation, il s’avance de quelques pas et se présente à l’ombre.
- Je suis le p…
- Je sais qui tu es prince Stéphane. L’Oméga t’attendait.
Stéphane et Zéphyrian font volte-face. Devant eux se tient assis une créature immense aussi blanche et rayonnante que la forteresse. L’être est un hybride d’apparence féline recouvert d’un pelage blanc argenté qui s’estompe sur ses membres supérieurs, laissant apparaître des mains humaines ; son visage est celui d’un homme, mais son nez est épaté comme le museau d’un chat, ses yeux écarquillés, brillent comme le reflet d’une lune, et ses oreilles taillées en pointe, sont fièrement dressées sur le haut du crâne ; une queue féline danse au-dessus des arbres comme un serpent sous le charme de son dresseur. La créature imposante force le respect, il n’est nul besoin aux deux voyageurs de s’interroger sur son identité : ils sont aux pieds de l’Oméga, roi du monde inversé. Stéphane s’agenouille devant la majesté et l’implore.
- Mon bien aimé est en proie au spectre du roi maudit, seigneur de l’autre monde, aucun être sur Terre ne peut le délivrer du mal, toi seul peut nous venir en aide ! Je t’en prie Oméga, roi des rois, aide-moi à sauver mon prince !
L’Oméga lui sourit en retour, il regarde le prince d’un air amusé et cambre la tête vers la droite, puis vers la gauche.
- Mais je ne peux pas t’aider prince. Je n’ai aucun pouvoir sur l’autre monde, je veille uniquement à l’équilibre de la Terre, le monde renversé est comme le reflet de la lune sur les eaux : s’il n’y a pas de reflet, comment pourrait-il y avoir une lune ? Je suis comme les racines des arbres de la forêt : si elles disparaissent, qu’adviendrait-il des arbres ?
Zéphyrian interpelle l’Oméga sans prendre de pincettes.
- Tu rigoles ? On a traversé les dimensions, on a failli se noyer, on a manqué de se RE-noyer quand tu t’es mis à faire trembler le sol avec tes grosses pattes et maintenant tu dis que ça a servi à rien ? ? Alors tu n’as aucun pouvoir en réalité ! !
L’Oméga agite la queue, quelque peu agacé par le ton du petit mage.
- J’ai suffisamment de pouvoir pour te fendre en deux d’un seul coup de griffe petit mage impertinent. Mais contre le roi maudit, je ne peux rien. Et même si nous en avions les moyens, cela serait inutile.
Stéphane ne comprend pas les propos du félin.
- Que veux-tu dire ?
L’Oméga le regarde en silence, il sourit et entreprend une petite toilette de son pelage. Stéphane et Zéphyrian observent décontenancés la scène. Après quelques instants, l’Oméga répond à la question du prince.
- Le roi maudit ne peut pas être vaincu. S’il venait à disparaître, je disparaîtrai aussi, et les deux mondes s’effondreraient. Mais il peut être chassé du corps de ton prince.
- . Comment faire ?
L’Oméga se met à bailler, il cambre le dos et étire ses pattes et ses bras. Il s’allonge sur la berge, écrasant quelques arbres au passage. Il termine de lisser quelques poils de ses mains et répond au prince.
- Le roi maudit est voué à la destruction, je passe mon temps à réparer les dégâts en consolidant les fondations du monde renversé. Il répugne tout ce qui est bon sur Terre, mais par-dessus tout, il est incapable d’aimer. Il n’en comprend pas le sens, n’a jamais percé les arcanes de cette magie essentielle à l’équilibre de nos mondes.
- L’amour est son point faible ?
- Son poison je dirais. Rappelle-toi il y a deux années, quand toi et ton prince aviez défié le roi. Comment a-t-il été chassé des Bois Pentus ?
- Tu te trompes, c’est la force d’un dragon qui l’a terrassé.
- Précisément. C’est la fidélité inconditionnelle de Dendedémon au prince Jérémy qui a fait fuir le roi. Pas son souffle destructeur.
- Alors… si je veux chasser le roi, je dois… utiliser l’amour comme arme. Mais j’aime déjà le prince, pourquoi cela n’a-t-il aucun effet ?
- C’est un dieu que tu essaies de vaincre, le coup que tu lui porteras devra être bien plus puissant qu’un simple sentiment, il devra être passionné et fougueux, digne de ta bravoure prince Stéphane.
L’Oméga baille à nouveau et se met en boule, prêt à s’endormir.
- Maintenant si tu veux bien, je vais faire une petite sieste.
- Attend ! Comment je retourne auprès de mon prince maintenant ?
- Mmmmmh… ton épée, tu dois activer la serrure du lac, ce n’est pas très compliqué : place-toi au bord de la berge au nord de la tour du château, fais quarante-quatre pas droit devant toi et plante ton épée dans l’eau. Tourne-la quarante-quatre fois dans le sens des aiguilles d’une montre, puis attends cinquante-huit secondes. Retire l’épée et fais un pas vers la droite et plantes là à nouveau dans l’eau. Tourne-la quarante-huit fois dans le sens des aiguilles d’une montre et attends trente-neuf secondes. Et normalement le portail va s’ouvrir.
Zéphyrian éclate de rire.
- Ahahahah ! Et c’est ça que tu appelles « pas très compliqué » ? C’est vraiment n’importe qu…
- Zéphyrian ! Tais-toi !
- Oups ! Pardon messire…
Stéphane exécute la combinaison, non sans mal, et finit par faire apparaître la copie conforme du portail monumental de la cité du prince Jérémy. Avant de franchir la porte, il jette un dernier coup d’œil en direction de l’Oméga, le félin lui fait un clin d’œil avant de sombrer dans un profond sommeil.
Stéphane et Zéphyrian débouchent sur la place du village de la cité des Montagnes sous une pluie battante. Le parvis est désert, tous les villageois sont cloîtrés chez eux en attendant la fin de l’orage. Stéphane court vers le château en remontant la rue principale parcourue par des torrents d’eau, il arrive au pied des murailles de livres trempé jusqu’aux os, la pluie ruisselle en cascade sur les parois biscornues de la citadelle. Dendedémon monte la garde devant le portail du château, il reconnaît le prince et pousse un petit gémissement de joie. Stéphane caresse la peau écailleuse du dragon en se glissant dans le château. Il grimpe l’escalier du donjon du prince sans reprendre son souffle, le cœur battant à tout rompre. Il arrive enfin sur la terrasse du donjon, il y trouve la Sagace au pied du lit princier, épuisée et assise a même le sol, entourée de ses fétiches tout aussi vidés. Stéphane trouve le lit vide, pas de trace de son prince. La Sagace réunit le peu de forces qu’il lui reste.
- Le roi… il est trop puissant… il a pris le contrôle… nous n’avons rien pu faire…
- Où est-il ?
- Derrière toi…
Stéphane se retourne et découvre son bien aimé au bord de la terrasse du donjon, observant le précipice.
- Jérémy ! Je suis là !
Le prince tourne à peine la tête, assez pour que Stéphane perçoive la lueur bleue dans ses yeux, la marque du roi.
- Ton prince n’est pas là… tu arrives trop tard roitelet des collines… J’ai pris possession de son corps, et son âme est à moi ! Maintenant il est temps. Je vais lever une armée et réduire cette forêt maudite en cendres, puis ça sera le tour de ton royaume, et bientôt, il ne restera plus rien… AHAHAHAHAHAAAAAH ! ! ! ! !
Le roi fouette sa main dans les airs et balaye le prince Stéphane au bord du précipice. Le prince se rattrape in extremis aux dalles de marbre, les jambes dans le vide. Le roi s’avance vers lui lève le bras pour lui asséner le coup fatal.
Et toi tu vas rejoindre le royaume des morts, où tu pourriras seul sans ton prince charm…
- Mmmmmmmh… présomptueux roi maudit… Tu as arraché trop d’âmes à leur destin…
Une ombre gigantesque recouvre la terrasse du donjon, le roi maudit lève la tête et contemple ahuri l’apparition d’un fantastique papillon irradié d’un jaune d’or. Le roi ne rit plus, il regarde l’immense papillon avec un air de dégoût.
- La Chrysalide… tu as fini par sortir de ton cocon…
- Mmmmmmh… par ta faute… maintenant réponds de tes actes et soumets-toi au regard de tes victimes !
La Chrysalide, après plusieurs siècles passés au stade larvaire, est venu sous sa forme parfaite mater le dévoreur d’âmes. Les tâches des ailes de la Chrysalide se métamorphosent en d’innombrables yeux écarquillés. Les yeux des âmes se braquent sur leur bourreau, forçant le roi maudit à ployer le genou face à terre.
- Aaaargh ! Laissez-moi ! Ne me regardez pas ! Je vous maudis ! !
- Montres… ton vrai visage…
- Gaaaah…
Sous le poids de la culpabilité, une fumée noire et charbonneuse commence à émaner de l’enveloppe charnelle du prince. Un bras inhumain sort du poitrail du prince et s’agrippe au sol, un deuxième bras s’extirpe, et la tête couronnée du démon se montre enfin. Le roi gît à côté du prince, il est épuisé et amoindri. Il n’a pas de visage, seulement une couronne d’onyx grossièrement ciselée. Son corps est à peine défini, ça peau n’est faite que d’un épais nuage noir légèrement translucide. Le corps de Jérémy reste inanimé. Stéphane se précipite à lui. Il soulève délicatement la tête de son bien aimé et ne décèle aucune réaction. Le roi maudit s’esclaffe devant le spectacle terrifiant.
- Ahahahahahaharrrrg ! ! ! Je te l’avais dit ! Son âme est mienne maintenant… Arrrrgh…Ahahahah…
Stéphane sent le chagrin le submerger, il sert contre lui l’amour de sa vie, et laisse des larmes de douleurs tomber sur le visage de Jérémy. Tout serré contre lui, Stéphane ressent un battement contre son torse. Puis un deuxième. Le cœur de Jérémy s’est réveillé, Stéphane, les yeux embués par les larmes, regarde son prince reprendre vie. Ses yeux s’entrouvrent doucement, et Jérémy sourit à la vue de son prince.
- Tu en as mis du temps…
- Je suis désolé mon ange…
- Pourquoi le serais-tu ?
- D’avoir failli te perdre à jamais… tu es tout pour moi…
- Pour moi aussi… Je veux rester à tes côtés jusqu’à la fin.
Le roi maudit se désagrège peu à peu, dans un dernier élan de colère, il bondit sur les princes en hurlant un cri déchirant.
- Naaaaaaaaaaan ! ! ! !
Au contact des princes, le roi maudit explose en milliers de particules de fumée s’envolant dans les airs. La Chrysalide récupère la Sagace entre ses pattes et s’envole en direction des Bois Pentus, laissant les deux princes seuls au milieu de la citadelle. La pluie a cessé de tomber, quelques gouttes perlent encore sur les remparts et viennent rompre la sérénité de l’instant. Stéphane à genoux devant son prince, le regard plongé dans le sien, accomplit son acte de bravoure pour cristalliser cet Amour.
- Jérémy… veux-tu m’épouser ?
- Bah…. Oui je veux bien !
Et par un tendre baiser, les deux princes scellèrent leur destinée. Bientôt, ils s’uniront et se voueront fidélité et amour jusqu’à la fin de leurs jours. Ils célébreront leurs noces devant leurs amis, leurs familles, et tous les êtres fantastiques peuplant les Bois Pentus. Et ils clôtureront ainsi, le dernier chapitre de la fabuleuse histoire des deux princes amoureux.