Chapitre 2
La rencontre princière
Le ciel est ténébreux ce matin au-dessus du donjon du prince Jérémy. Dendedémon, son fidèle compagnon, en profite pour s’exercer à quelques parties de cache-cache au milieu de cette purée noire. La bête malicieuse attendait patiemment dans l’obscurité du ciel pour foncer sur les pauvres agriculteurs, trop affairés à travailler leur terre pour voir surgir ce diable ailé. Habitués par ces jeux facétieux, ces derniers avaient développé un sixième sens pour échapper à l’onde de choc du passage en rase motte de Dendedémon. Au moindre courant d’air inhabituel, chaque villageois se recroquevillait en boule sur son lopin de terre en attendant que cet orage démoniaque soit rassasié de divertissement et vaque à de nouveaux jeux. Et aujourd’hui les villageois ne sont pas décidés à jouer avec lui. Dendedémon, vexé, retourne se faire consoler par le Prince.
Du haut de son nid douillet, Jérémy, fait les cent pas aux abords du précipice de sa terrasse. Les mots de la Sagace résonnent toujours dans son esprit. Incapable de percevoir le sens caché de cette implacable prophétie. Dendedémon tournoie autour du siège princier, cherchant une place dégagée pour atterrir. Il amorce sa descente et en quelques battements d’ailes, se pose à quelques mètres du prince en faisant trembler d’un léger soubresaut. Jérémy sort alors de sa profonde réflexion et se tourne vers son familier avec un air renfrogné.
- Te voilà ! Tu es parti depuis l’aube, j’imagine que le temps était propice à la récréation ? Un contremaître est encore venu se plaindre à ton sujet : les villageois sont las de tes farces. Te rends-tu compte qu’ils ont autre chose à faire qu’à jouer avec toi ?
Le dragon, tout penaud, abaisse sa tête et cherche du museau la main de son maître. Le prince, compatissant, caresse l’épaisse cuirasse du monstre en cherchant son regard. Conscient que son royaume n’est pas le terrain de jeux idéal pour un animal de cette envergure, il s’agenouille devant les naseaux de la créature.
- Je dois aller voir une amie aux Bois Pentus, et j’aurai bien besoin d’une monture suffisamment courageuse pour traverser ces sombres forêts…
Dendedémon pousse alors un gémissement de satisfaction – suffisamment puissant pour créer un écho infini au milieu des murailles de papier du château – , la bête trépigne à en faire vaciller la tourelle et abaisse son robuste cou au niveau de son maître pour lui permettre de grimper sur elle.
- Je savais que tu étais le dragon de la situation !
Le Prince s’installe sur le dos de Dendedémon, entre deux épines dorsales, et d’un petit coup de talon, fait signe au dragon de s’élancer en direction des Bois Pentus.
Le ciel s’éclaircit au-dessus des plaines désertiques du royaume, et la gigantesque masse noire du dragon se dessine très nettement entre les nuages. Quelques marchands en route pour la citadelle, contemplent médusés la silhouette effrayante de Dendedémon passer au-dessus de leurs têtes. Le prince et sa monture arrivent aux abords des Bois Pentus. Le destrier volant perd progressivement de l’altitude et sort de la couche nuageuse pour faire face à une muraille de végétation, marquant la frontière entre le royaume du prince et ces terres insondables. Le Prince pose le pied à terre et contemple la majesté des pins centenaires ; il respire le souffle frais et boisé émanant de ces poumons ancestraux. Il se remémore alors les vieilles légendes de ces forêts, transmises de génération en génération. Dans le cœur de ces bois, trônerait un roi maudit : issue d’une engeance malsaine entre deux démons des temps primordiaux, le seigneur serait à l’origine de la magie qui hante cette forêt. Père des couvées des créatures fantastiques, et commandant des Gardiens : Des colosses endormis cachés dans l’immense labyrinthe de bois, qui anéantiraient quiconque oserait compromettre le règne du seigneur.
Le Prince se tourne vers Dendedémon, à la recherche d’un peu de courage. La bête regarde son maître et pénètre en premier dans les entrailles de la forêt.
- Tu es une brave bête Dendedémon !
A quelques lieues du cœur, de l’autre côté de la forêt, les arbres tressaillent. Un bruit sourd et métallique raisonne dans l’épaisse brume obscure des bois. Telle une colonne de fourmis, des dizaines de carrioles tirées par des chevaux, serpentent sur un sentier étroit. A la tête de ce cortège, le prince Stéphane guide ses sujets dans les méandres humides de Bois Pentus. A sa droite, le Nanterrien observe les abords du sentier, à l’affut de quelques maraudeurs désireux de s’en prendre aux villageois. Tout en gardant l’œil ouvert, il se tourne vers le prince, l’air inquiet.
- Es-tu certain de ce que tu fais Stéphane ? L’éolienne du moulin peut attendre, quelques bons ouvriers endurants auraient suffi à faire tourner les meules. Et on n’est même pas sûr de trouver ton foutu ventre-couillu de je sais plus quoi…
- Ventre-feuillu des ombres. Corrige le prince. Et surveille ton langage le Nanterrien. Les ouvriers ont autre chose à faire qu’à tourner des meules à longueur de journée. L’éolienne est sur mes terres depuis plusieurs générations, elle a été construite justement pour éviter d’exploiter nos fermiers. La colonne de transmission qui s’est brisée est en ventre-feuillu, le seul bois capable de supporter la puissance engendrée par les voiles de l’éolienne. Et on ne trouve cette essence de bois que…
- Que dans cette foutu maudite forêt qui grouille de fées anthropophages et de trolls à trois têtes et de …
- Ton langage… Coupe sèchement le prince.
Le Nanterrien s’abstient de continuer, fronce les sourcils et retourne à sa mission de guetteur. Le prince observe au loin, ralentit peu à peu la cadence du cortège et fait signe au Nanterrien. Ce dernier se tourne alors vers la colonne et d’une voix lourde :
- Stoppez vos carrioles et sortez votre attirail ! On est arrivé !
Devant la colonne, un arbre monumental éclipse tous les autres. Large d’au moins douze mètres, ses racines sculptent la clairière au milieu de laquelle il trône. Le prince s’avance le nez en l’air, évaluant la hauteur du sujet.
- Amenez les scies et les haches. On va prélever un peu de sa force à ce géant…
Les équipes s’affairent. Chacun connait sa mission, les élagueurs arrivent en premier au pied de l’arbre, munis de cordes, ils escaladent le colosse jusqu’à atteindre les premiers branchages. De là ils harnachent solidement une échelle de corde et commence à installer une plateforme suspendue sur laquelle les bûcherons viennent se positionner pour démarrer la coupe.
Le prélèvement dure plusieurs heures. Pendant ce temps, les autres paysans s’affairent à bourrer les carrioles des innombrables branches du Ventre-feuillu tombées au sol. La branche la plus frêle de ce mastodonte suffirait à étayer le plancher d’une grange.
Le prince, observe silencieusement le travail. Il entend un premier « crac ». Puis un deuxième. Il se dresse et brandit ses mains :
- Stoooop ! Tout le monde s’écarte !
Les ouvriers s’exécutent, et rapidement, un vide de trente mètres se dessine devant l’arbre. Les craquements se succèdent et s’intensifient pour ne former qu’un seul et énorme grincement strident. Des énormes incisions dessinées par les bûcherons, jaillit doucement une portion monumentale de bois de vingt mètres de haut sur deux mètres de large. Elle penche de plus en plus et se détache brutalement pour tomber lourdement au sol dans un fracas retentissant qui fait trembler le sol sous les pieds de l’expédition.
Un nuage de vapeur et de lichen éclabousse les ouvriers qui explosent de joie devant la chute de se majestueux pilier.
Le prince contemple le mat, satisfait. Le Nanterrien partage sa joie et son soulagement avec les villageois, peut-être plus heureux de quitter ce bois maudit que du travail accomplis. C’est à ce moment-là que le prince entend un nouveau craquement, bien plus intense que les premiers.
Dendedémon progresse au sol à présent, au côté de son maître, ses yeux roulent dans leurs orbites face à tant d’émerveillements ; des ruisseaux phosphorescents peuplés d’étranges batraciens ; de bêtes cornues apeurées à la vue du si dangereux dragon (si elles savaient que la seule chose que voulait Dendedémon, c’était jouer à cache-cache. Le Prince arrive bientôt dans le marais de la chamane, il reconnait les fétiches vaudou logés dans les alcôves naturelles des racines entremêlées. Ces petites figurines cousues de morceaux d’étoffe disparates rembourrées de paille, sont de véritables sentinelles prêtent à donner l’alerte en cas de visiteur indésirable. Elles sont dotées de deux grands boutons ensorcelés à la place des yeux. Au travers d’eux, la chamane est capable de démultiplier sa vision tout autour de son domaine. A l’approche du Prince et de sa monture, un fétiche niché dans le creux d’un arbre, s’anime.
- Hep toi là-bas ! T’aventures pas plus loin et détourne ton chemin ! Sinon de ma magie j’vais m’servir comme gourdin !
Le fétiche vaudou marque un temps et dévisage les deux aventuriers.
- Mais c’est toi mon bon prince ! Pardon pour l’accueil mais la forêt grouille de malfrats en ces temps. Je vois que tu as amené ta bête ! ça va mon Dend’démon ?
Le dragon glousse un petit cri aigu à l’appel de son nom.
- Allez suivez le lutin empaillé il va vous conduire à moi !
Les deux compères emboîtent le pas du petit fétiche vaudou qui saute de branche en branche en sifflotant un air enjoué. Bientôt ils débouchent sur une clairière où est érigée une masure faite de pierres et de tentes. Le marais est plus sec aux abords de la maison ; l’air est plus chaud et des rayons de soleil traversent l’épais manteau végétal des bois. Tout autour de la maison, des roches sculptés représentent des effigies féminines ; des totems animistes ; ou plus simplement, des plans de culture d’herbes médicinales ou décoratives.
Dans l’embrasure de la porte, la Sagace attend le Prince.
- Mais que fais-tu si loin de ton perchoir mon cher prince ? Es-tu à la recherche d’une nouvelle chimère pour ta ménagerie ? Ton lézard géant ne te suffit plus ? Elle regarde du coin de l’œil Dendedémon avec un sourire malicieux. Le dragon fait mine de ne rien avoir entendu et préfère aller se prélasser dans le bassin naturel du marais baigné de lumière.
- Non je te rassure mon dragon me suffit amplement. En fait c’est toi que je viens voir. Depuis ta dernière venue au château, tes propos me hantent et je n’arrive pas à interpréter ta prophétie.
La chamane, le regarde avec compassion.
- Es-tu venu pour que moi j’interprète cette prophétie ? Mon pauvre ami, sais-tu que moi-même je n’ai aucun souvenir de la moindre parole que j’ai prononcé ce jour-là ?
Le Prince fronce les sourcils et reste silencieux. Elle lit dans son regard son incompréhension.
- Vois-tu mon prince, j’ai hérité mes dons de magicienne d’une créature de la forêt. Un jour que je me promenais à la recherche d’une plante pour soigner les verrues, j’ai entendu un chant gracieux. La plus belle mélodie que ces bois n’aient jamais entendue. J’ai suivi ce chant et j’ai découvert trois statues de femme. Enfin je croyais que c’était des statues, les pauvres femmes étaient en réalité pétrifiées. Mais bien que leurs corps ne puissent se mouvoir, leurs esprits et leurs cordes vocales étaient toujours intactes. A mon approche, les trois sœurs de pierre se turent. La plus jeune d’entre elle prit la parole.
- Bienvenue étrangère. Notre chant t’a guidé jusqu’à nous ?
La cadette prit la parole.
- Nous chantons dans ces bois depuis des temps immémoriaux…
L’ainée poursuivit.
- C’est le prix à payer que nous avons choisi pour figer dans le temps notre splendeur. Bien mal acquis, car nos âmes sont depuis entre les mains de la Gardienne des esprits.
La benjamine s’adresse à nouveau à la chamane.
- La Gardienne est garante de nos âmes, mais leurs libertés nous appartiennent. Nous pouvons les faire vagabonder où bon nous semble. Et je suis lasse de cet immobile paysage. Toi qui dialogues avec les esprits, serais-tu prête à m’accueillir en ton sein ? En échange, tu jouiras d’une perception nouvelle du monde des âmes, tu pourras interroger les esprits de la nature et voir l’avenir.
Cette perspective me tenta je dois l’admettre. Aussi je consentis à la jeune statue de pierre de partager mon corps.
L’ainée des trois sœurs, Savanse, écoutait patiemment et s’adressa à sœur.
- Galane, je redoutais ce moment. Tu es trop jeune pour rester enracinée dans ces bois.
La cadette, Litanaa, ne partageait pas la même compassion que Savanse.
- Galane ! Nous avons passé tant d’années ensemble à chanter dans ces bois, je ne pourrais me résoudre à te voir partir…
La jeune sœur, malgré qu’elle soit pétrifiée, semblait prête à sortir de sa torpeur et à s’arracher à ces bois.
- Chamane, mon choix est fait. A compter de cet instant, je partagerais ton corps. Adieu mes sœurs bien-aimées, continuez à remplir ces bois de votre douce mélodie.
Et la jeune Galane se tut. Je sentis soudain une énergie nouvelle envahir mon corps, un flux doux et frais me traversa des pieds à la tête. Et je perçus alors la présence de Galane en moi. J’abandonnai alors Litanaa et Savanse, qui chantaient une ode mélancolique à la mémoire de leur sœur.
La chamane ne dit plus un mot, émue par ces souvenirs. Elle relève alors la tête et s’adresse au prince.
- Depuis ce jour, je vis en symbiose avec elle. Elle m’a offert ses pouvoirs mais elle garde sa liberté. Je suis incapable de communiquer avec elle. L’état de transe auquel tu as assisté, je le dois à Galane, c’est elle qui interroge les forces de ce monde et m’utilise comme vaisseau pour annoncer ses prophétiques paroles.
Le prince, qui a écouté l’histoire avec beaucoup d’attention, prend une grande respiration.
- Alors c’est la Gardienne des esprits qui contrôle l’âme de Galane?
- Si tu veux lui parler, tu dois trouver cette Gardienne. On l’appelle « La Chrysalide ». Elle repose sous le pied d’un arbre primordial de la forêt, le ventre-feuillu. Mes fétiches vont te conduire à elle. Mais je t’avertis mon prince, la Chrysalide est une créature ancestrale et caractérielle qui n’aime pas être dérangée.
La Sagace appelle ses fétiches qui accourent des quatre coins du marais. Elle semble chuchoter quelques indications et les petites poupées se mettent en marche en file indienne en direction du bois. Le prince sort Dendedémon de sa baignade et suivent la petite troupe en quête de la Chrysalide.
Après le fracas assourdissant, la terre se met à trembler sous les pieds du prince Stéphane et de ses sujets. Les bûcherons acrobates voltigent dans les airs et s’accrochent maladroitement à l’échelle de corde qui se balance dangereusement. Les chevaux s’agitent sur ce tonnerre tellurique et s’arrachent à leurs carrioles pour s’enfuir dans la forêt. Le sol commence à se déformer et se déchirer en deux sous les yeux effrayés de l’expédition. Le Nanterrien attrape le prince et l’entraine derrière une énorme racine à l’abri du gouffre qui se forme sous leurs yeux. Le prince assiste au réveil d’une force de la nature. Le tumulte se calme peu à peu. La terre ne tremble plus et un souffle profond, une respiration, semble émaner du fond du cratère. Le prince décide de s’avancer au bord du précipice. Il y découvre un énorme cocon, jaune d’or et translucide. La chose doit faire trois fois la taille d’un homme. Une lumière interne brille au rythme du souffle de la créature, tel un battement de cœur. Le cocon s’illumine alors et une voix féminine et caverneuse se fait entendre.
- Mmmmmmmmmh…
… Humain fou … Ventre-feuillu saigner…
Qui être Humain Chrysalide… tuer ?
Stéphane est paralysé. Il cherche le regard de son conseiller. Ce dernier ne sait pas quoi lui dire et reste muet. Le prince prend une profonde respiration et déterminé, répond à la créature.
- Je suis le prince Stéphane, c’est moi qui ai blessé l’arbre. J’avais besoin de lui pour réparer mon éol…
- Prince être fou… Prince devoir mourir… La lumière de la Chrysalide vire au rouge.
Le Prince sent le courroux de la Chrysalide grandir. Impuissant, il s’agenouille en soumission devant cet être surnaturel.
- Je ne voulais pas … faire saigner l’arbre. Je suis désolé pardonne mon ignorance. Que puis-je faire ?
- Prince devoir mourir… … …
La Chrysalide ne dit plus rien. Sa couleur change à nouveau. Des flashs bleus irréguliers sortent du cocon. La lumière rouge revient en réponse de manière saccadée et énergique. Un dialogue lumineux semble être à l’œuvre dans le cocon. Au bout de quelques instants de silence, la Chrysalide repasse au jaune d’or.
- Mmmmmmmmmh… … … Mes esprits s’agiter… … Pas d’accord…Chrysalide écouter esprits…Chrysalide devoir être sûr…
La Chrysalide recommence son dialogue lumineux.
- Mmmmmmmmmh… … … Esprit être sûr… … … …
Prince important… … Mais Chrysalide vouloir défier prince…
Le prince Stéphane est déconcerté. La chose semble prête à le laisser en vie.
- Défis-moi ! Je t’en prie.
- Mmmmmmmmmh… … … Prince devoir prouver valeur… Prince répondre… … trois questions…
- Je suis prêt…
- Mmmmmmmmmh… … … Prince … Choisir réponse… … …Pouvoir… … ou … … Devoir … … ?
Stéphane fronce les sourcils. Il ne s’attendait pas à pareille question. Il prend quelques instants et répond.
- Le devoir.
Le cocon se nimbe d’une lueur verte.
- Mmmmmmmmmh … … … Autre question … … … Prince … …
Écouter… … ou … … Entendre… … ? - L’écoute.
Le cocon brille à nouveau d’une lumière verte.
- Mmmmmmmmmh… … … Dernière question… … … Prince… …
Aimer… … … ou … … … Être aimé… … … ?
Le prince ne répond pas. Il hésite. Il se tourne alors vers son conseiller, le Nanterrien. Ce dernier s’approche et lui murmure à l’oreille.
- Tu dois t’écouter.
Stéphane se tourne vers Chrysalide. Il suit les conseils du Nanterrien, s’assoie au bord du ravin et ferme les yeux. Après de longues minutes, il se décide à répondre à la Chrysalide, qui attendait patiemment.
- Aimer… et … Être aimé.
La Chrysalide s’illumine à nouveau. Elle passe cette fois du vert au blanc intense.
- Mmmmmmmmmh… … … Esprit raison… … … Chrysalide laisser Prince vivre… … Prince important… … … Mais Prince arrêter faire saigner arbre… … ! … … … Mmmmmmmmmh … … Humain autre venir… … … Chrysalide entendre… … …
Des voix se font entendre aux alentours de la clairière. La petite troupe de fétiche entre dans la clairière en chantant.
Dans les Bois Pentus, y a des gens qu’ont vu,
Des lézards volants et des princes barbus,
Dans les Bois Pentus, y a des farfelus,
qui parlent aux esprits et à des statues,
Dans les Bois Pentus, y a des princes perdus,
qui suivent des pygmées cousus de tissu,
qui veulent se barrer de ce trou perdu,
car les Bois Pentus, on en a plein l’c…
Le Prince Jeremy pénètre à son tour dans la clairière en se bouchant les oreilles.
- Mais par pitié arrêtez avec cette maudite chanson ! J’aurai du vous faire coudre la bouche par la chamane!
Dendedémon ferme la marche et pousse un rugissement de soulagement à l’arrêt de ce refrain entêtant.
La petite équipe se retrouve alors nez à nez avec le restant de l’expédition du prince Stéphane. Ce dernier, surpris par ce chahut, s’avance prudemment, l’arme au poing.
- Qui va là ?
Les fétiches vaudou prennent peur à la vue de la lame tranchante du prince et courent se réfugier derrière sous l’énorme ventre du dragon. Le prince Jérémy s’avance alors à son tour, pas à pas, en observant avec circonspection le théâtre étrange qui se déroule devant lui. Il fait face à Stéphane, le dévisage un instant, et se présente.
- Je suis le Prince du Royaume des Rocheuses du Sud, Jérémy. En quête du Ventre-feuillu. Je crois que nous avons été devancés de peu… ?
Le prince Stéphane, regarde à son tour son alter ego des montagnes. Ne sentant pas de danger, il abaisse sa lame.
- Prince Stéphane, des Collines du Nord. Nous allions quitter cette clairière, notre présence n’est pas la bienvenue ici. Je te conseille d’en faire de même prince.
- J’ai fait un long chemin pour arriver jusqu’ici. Je cherche la Gardienne des esprits, la Chrysalide. J’ai des questions à lui poser.
- C’est plutôt elle qui pose des questions ! Rétorque le prince Stéphane avec un air amusé.
- Tu l’as rencontré ?
- On peut dire ça. Elle est ici, au fond de ce ravin. Elle m’a laissé partir au prix d’un étrange interrogatoire. Je te conseille de partir Prince, cette créature irradie de puissance. Même ton dragon ne s’y frotterait pas. Dit-il en regardant le reptile avec défiance.
Jérémy observe la cicatrice du gigantesque arbre, puis, choisissant de ne pas écouter les recommandations du prince, s’approche du cratère de la Chrysalide. Il contemple la créature, elle respire d’une lumière argentée.
- Es-tu bien la Gardienne des esprits ? Peux-tu m’offrir ton aide ? Je dois parler à l’esprit de Galane ! Elle est avec toi ? t’a confié son âme il y a bien longtemps déjà en échange de son éternité.
Le cocon se met à briller d’un jaune vif.
- Mmmmmmmmmh… … … Prince Humain… … … Trop questions poser… … … Chrysalide … … … Dormir besoin… … …
Le Prince Jérémy, perd patience.
- Je t’en prie Ancienne ! Appelle Galane pour moi !
- Mmmmmmmmmh… … … Galane déjà partir… … Chrysalide écouter Galane… Chrysalide devoir fait… …
- Je ne comprends rien !
- Mmmmmmmmmh… … … Aimer… et… … être aimé… … Aimé…. et …. Être-aimé… … …
Le Prince Stéphane observe la scène et songe aux mots prononcés par l’Ancienne. Les mêmes mots qu’elle lui avait dits auparavant. Le prince Jérémy s’énerve devant tant de mystère.
- Galane ! Galane ! Réponds-moi ! Qu’as-tu voulu me dire ?!
La Chrysalide change à nouveau de couleur. Elle irradie d’un rouge intense et palpitant.
- Mmmmmmmmmh… … … Chrysalide entendre… …murmure sombre… … … Princes partir… … … Dangereux murmures… … … Partiiiiir !
Dendedémon semble inquiet. Il perçoit une menace et s’agite. Les fétiches s’enfuient de sous son ventre et partent se réfugier dans la forêt. La Chrysalide fait alors tressaillir la terre.
- Partiiiiir !
Dendedémon rugit. Tel un cheval en furie, il se dresse sur ses pattes arrière et déploie ses ailes en rugissant de terreur. Dans le chaos, il renverse son maître, déjà déséquilibré par les secousses sismiques, qui chute au fond du cratère. Il s’agrippe maladroitement à une racine et voit son dragon en furie prendre son envol dans la clairière en poussant des rugissements de peur.
- Dendedémon !!!
Mais déjà une autre secousse se fait ressentir sous ses pieds. La Chrysalide disparaît lentement sous les racines du ventre-feuillu dans un vortex de sables mouvants, laissant le prince Jérémy pendu à sa racine. Une ultime secousse fait lâcher prise au prince. Il ferme les yeux en attendant sa chute mais sent une main robuste lui attraper le poignet. Le prince Stéphane rattrape Jérémy in extremis et l’extirpe de son piège.
- Il faut partir vite ! Ordonne Stéphane à Jérémy.
Mais déjà un murmure menaçant raisonne dans la clairière. Il n’y a plus âmes qui vivent aux alentours, toutes les créatures se sont enfuies et il ne reste que les deux princes au pied de ventre-feuillu.
- D’accord partons vite ! Répond Jérémy.
Les deux princes s’enfoncent alors dans les bois le plus loin possible de ce murmure menaçant…